Couverture du livre Roma Æterna de Robert Silverberg

Robert Silverberg est un auteur état-unien contemporain, découvert par hasard en écoutant Romain Lucazeau parler de son livre Vallée du Carnage dans un podcast. L"uchronie" de Silverberg, parue en 2003, y était mentionnée, et comme j'aime le genre et le thème, l'issue ne faisait aucun doute. Je me suis emparé du livre plein de confiance et sûr de mon choix.

Il m'aura fallu un mois pour le terminer. Et j'ai failli l'abandonner aux 2/3.

Le livre est une succession d'histoires qui suivent un fil directeur: l'Empire romain ne s'est pas effondré face aux "barbares" en 476 après J.-C.. On suit donc 2700 ans d'Histoire, revisitée à travers les yeux de multiples personnages, gravitant principalement autour de la classe dirigeante de Rome.

« La véritable Rome, celle dont tu viens de parler, se trouve au-dessus de nous. Elle l’a toujours été et le sera toujours. Les palais, les temples, le Capitole, les murs. Solide, indestructible, impérissable. La Ville éternelle, en effet. Et les Barbares ne s’en empareront jamais. Jamais. Jamais. »

Le livre est plein de références plus ou moins subtiles à l'évolution réelle de l'histoire et certainement très documenté, mais n'étant pas un expert de la civilisation romaine, j'en ai probablement manquées.

On suit les évènements souvent en arrière-plan: les narrateurs en parlent via des récits, des nouvelles des tréfonds de L'Empire. On est rarement dans l'action et tout ça manque de souffle épique dans certains chapitres.

Entre les lignes, y sont décrits, la conquête de l'empire romain occidental par les Grecs, le meurtre de prophètes divers, la découverte de l'Amérique et sa tentative de colonisation échouée, un tour du monde sanglant, une période de Terreur qui fait penser à la Révolution Française, le premier et second exode des Hébreux...

Tout s'articule à la perfection: on suit la chronologie via des références aux empereurs ou dirigeants de l'histoire précédente. Mais voilà c'est bien écrit et on s'ennuie. Cela donne parfois l'impression d'être un peu sec, un peu mécanique.

Mais il craignait que, dans le cas d’un renversement de la monarchie, Rome passât sans transition de l’état de république à celui de démocratie... ce qui signifiait la loi de la populace, le gouvernement passant dans les mains de celui qui ferait les plus belles promesses aux couches les moins méritantes de la société, achetant le soutien de la foule en privant les citoyens productifs de leurs biens.

Le livre est finalement assez curieux, avec une sorte de faux rythme indolent et le message répété que Rome sera toujours là, d'une manière ou d'une autre. Le passage du temps a quelque chose d'antique, par cycles, un nouvel empereur, une nouvelle guerre, une nouvelle trahison... Et Rome tient toujours debout, comme une évidence.

Rome est comme un palimpseste, un parchemin sur lequel on aurait écrit, effacé, puis réécrit, encore et encore : mais les anciens textes percent à travers les nouveaux.

Les mécaniques de l'uchronie ne sont pas beaucoup soulignées par le côté matériel, on parle très tard dans le livre de progrès technologique au cours des millénaires ans de l'histoire et c'est évoqué mais non utilisé.

Les quelques références sur le régionalisme sont intéressantes voire amusantes :

là. Tous ceux qui, un jour ou l’autre, ont été assimilés par l’Empire, gardent quelque part de vieilles rancunes, même s’ils revendiquent être romains. Les Teutons, les Britanniques, les Hispaniques, les mangeurs de grenouilles, tous.

La fin du livre est étonnante et donne enfin la parole à des personnages complètement hors des cercles du pouvoir. Ce sont les passages les plus rafraichissants.

Les dieux de la terre entière se sont échoués ici comme les limons du Nil.

En y réfléchissant, je n'ai pas compris ce que l'auteur voulait me dire. Que le pouvoir corrompt ? Qu'un Dieu unique est nécessaire ? Que l'unité est néfaste ? Ou bien exactement le contraire ?


⭐⭐⭐ Un livre avec des qualités, mais qui n'a pas réussi à m'embarquer dans sa promesse.


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