Lu en format ebook, en version originale, 423 pages
James. S.A. Corey, c'est le nom de plume de deux auteurs, Daniel Abraham et Ty Franck, immensément connus depuis le succès de The Expanse : près 11 ans de travail, 10 livres et 6 saisons d'une série télé de haut niveau.
On peut donc comprendre qu'ils aient été un peu fatigués après tout ça mais l'envie d'écrire est apparemment toujours là. Ils sont repartis avec un nouveau projet qui sera « seulement » une trilogie.
Énorme fan de The Expanse, j'ai profité des vacances pour commencer le premier roman, The Mercy of Gods, sorti en 2024.
L'histoire
Dans un futur lointain, des extra-terrestres d'une race infiniment supérieure, les Carryx, attaquent le monde humain Anjiin et capturent l'élite intellectuelle de la planète. Une équipe de recherche se voit ordonner de trouver une solution à un problèmes complexe, pour prouver leur utilité à leurs nouveaux maîtres. S'ils échouent, c'est la mort et la destruction de leur planète. Mais les oppresseurs ont-ils vraiment pris la mesure de la détermination des humains ?
Les personnages
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Dafyd Alkhor: assistant de recherche dans l'équipe de Tonner, sans grande envergure sur Anjiin, il devient une figure clé du livre car il essaie de percer les mystères des Carryx. Grâce à sa soif de comprendre et à son instinct de survie, son personnage grandit jusqu'à devenir le point de liaison avec leurs nouveaux maîtres.
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Tonner Freis: chercheur brillant et arrongant, il dirige l'équipe de recherche, pratiquement de la même façon sur Anjiin qu'en captivité, sans comprendre que tout a changé. Il y perd une femme et son emprise sur le groupe.
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Else Yannin: chercheuse et petite amie de Tonner au début, puis de Dafyd, elle prend de l'ampleur quand on comprend qu'elle abrite en elle la seule vraie menace pour les Carryx.
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Jessyn Kaul: chercheuse qui se bat contre des troubles mentaux, controlés par des médicaments qui s'épuisent rapidement dans la ziggurat qui les abrite, elle devient la chef de guerre impitoyable du groupe.
Mon avis
Commençons par les aspects qui m'ont plu. L'invasion par les extra-terrestres est bien trouvée : pourquoi se préoccuper d'une misérable planète, étant donné leur puissance ? Simple : ils enlèvent les meilleurs cerveaux pour les aider à combattre un ennemi mystérieux grâce à leur expertise et à leurs découvertes de nouvelles technologies. Un peu à la manière des Américains qui récupérèrent Von Braun pour développer leur programme spatial. C'est l'arc sous-jacent le plus fascinant du livre.
En ce qui concerne l'inspiration, d'après l'un des auteurs, c'est la réécriture du Livre de Daniel dans la Bible, dans un contexte de guerre galactique. Le côté space opéra est bien là mais c'est surtout l'histoire d'êtres humains arrachés à leur planète et mis en captivité par une race massivement supérieure. Assignés à une énigmatique tâche, les humains cherchent à garder leur identité tout en essayant de les contrer de l'intérieur, le tout dans un univers oppressant dont ils ne comprennent pas les règles.
They can kill us. Not just us. If we convince them that humans can’t be domesticated? I think that’s everyone back home too. The Carryx see everything that isn’t them as a tool, and I think they throw away anything they can’t use.
Vu le scénario, le livre parle beaucoup des affres de la captivité et de psychologie. Cela m'a souvent fait penser à la cruauté des camps de concentration, où chacun essayait de survivre pour sa race, son clan, ou seulement soi-même. Il parle aussi de résistance, contre ses démons intérieurs et extérieurs.
Grosse différence avec The Expanse : les aliens sont omniprésents. L'humanité n'est qu'une minuscule race dans l'univers. Les aliens sont partout, incompréhensibles pendant la majorité du livre et bien plus forts que les humains. Les Carryx tout puissants, sont aidés par les meutriers Rak-hund et les geoliers, les Soft Lothark. Mais le complexe où les humains sont prisonniers sont remplis d'autres races asservies, luttant pour leur place dans l'univers impitoyable des Carryx.
“The part where they chose one out of eight of us at the start? It’s just they’re the only one with eight limbs. I wonder if they have eight fingers on those small feeding arms. The others seem like . . . client races?” “Pets,” Else said, and it was almost agreement. “Slaves.”
Les tentatives de Dafyd de comprendre les Carryx et de s'intégrer dans l'écosystème de la ziggurat, sont clairement les plus captivantes du bouquin. On sent venir quelque chose de grand et d'épique (et cela arrive à la fin). Les efforts de Dafyd pour naviguer dans ce monde, comme un petit poisson qui nage dans une mer rouge de sang et remplie de requins, et qui commence à percer les secrets pour survivre, m'ont fait pensé à la stratégie de l'océan bleu et rouge.
For a moment, Dafyd Alkhor saw the universe the way a Carryx would, and it was beautifully simple and utterly horrific.
En général, la science-fiction utilise des aliens pour dire quelque chose sur nous. Ici les Carryx peuvent pulvériser d'un geste, mais ils ne se montrent que rarement. La menace est toujours là mais presque invisible. Les humains se baladent partout et font globalement ce qu'ils veulent, avec l'épée de Damoclès au-dessus d'eux s'ils échouent à resoudre l'énigme scientifique. Cette toute puissance de l'ennemi le rend terrifiant mais presque bonhomme dans certaines interactions. Et... je ne sais pas ce que les auteurs veulent dire avec eux. Ce qui me rend perplexe. On verra peut-être dans les tomes suivants.
Dafyd joue le rôle de l'anti-héros, un personnage clairement intellectuel et doué en politique et en manipulation mais qui reste dans l'ombre. Sa curiosité l'amène à entrer en contact avec ses ravisseurs pour les comprendre. Fasciné presque sociologiquement par la découverte des ces aliens, il se révèle finalement revanchard. Un peu comme un Paul Atréides, sans le don pour le combat mais avec le même côté leader malgré lui.
And as his sense of the prison as a vast organism, a city, a tissue made from a thousand different kinds of cell grew deeper, the knowledge also intruded on him that there was a black thread in it.
Le moins bon maintenant. Une bonne partie du livre concerne l'affrontement interminable avec les Night Drinkers, une autre race extra-terrestre captive elle aussi. Ce sont malheureusement les moments que j'ai trouvé les moins intéressants.
Le lien avec Dune m'a semblé évident. Les auteurs essaient souvent d'être profonds à la Herbert, avec leurs réflexions sur les rapports de force, du point de vue des aliens et des humains écrasés mais ce ton est cassé par les innombrables blagues des personnages « marrants » ou des moments de romance assez ratés. Le travail sur le world building est vertigineux, mais laborieux, avec des scènes descriptives pénibles. On sent que Daniel Abraham et Ty Franck y mettent beaucoup d'énergie mais le résultat ne m'a pas toujours convaincu.
Le rythme général du livre est déséquilibré entre des moments franchement épiques et les atermoiments interminables des personnages. J'ai trouvé une bonne moitié du livre poussive, et le fait de l'avoir lu en anglais n'a certainement pas aidé à rester dans le livre.
Je ne voulais pas d'uun autre The Expanse. J'ai donc apprécié ce nouvel univers mais... je suis resté sur ma faim. Le livre n'est pas évident à lire. Il pose néanmoins les bases de ce qui peut être une extraordinaire trilogie dans les prochains volumes.
⭐⭐⭐ Un livre imparfait, dont j'attendrai la suite avec curiosité.
Liens
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Un épisode du podcast Radiolab, qui parle d'un scientifique qui a cherché à comprendre une espèce ultra-violente d'insecte, et ce qui les poussait à être si sanguinaires.
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Titre français: La Clémence des Dieux, chez Actes Sud : premier volume de la trilogie La Guerre des Captifs
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Stratégie de l'océan bleu et rouge
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Le site du fandom Captives of War