Couverture du livre Le nom sur le mur de Hervé Le Tellier

Hervé Le Tellier est l'auteur de l'Anomalie, un livre hybride qui m'avait énormément marqué en 2023. J'avais trouvé l'écriture magnifique, la littérature "classique" y rencontrait une pincée de science fiction, avec des portraits émouvants d'hommes et de femmes. Cela donnait un livre fort, qui m'avait passionné. Mais je savais bien que cela n'avait été qu'un essai pour lui, une incursion curieuse dans la SF, et qu'il écrivait des romans plus classiques. Une proche m'ayant conseillé Le nom sur le mur, j'ai décidé de jeter un oeil curieux.

Le livre commence comme un passage autobiographique. L'auteur achète une maison dans la Drôme et voit une inscription, un nom écrit sur le mur de sa maison : André Chaix. Un peu plus tard, il voit le même nom sur une plaque commémorative de résistants locaux tombés sous les balles allemandes en 1944.

Il décide de tirer les fils de cette histoire pour retracer la vie de cet homme, qu'il ne connait pas et dont presque personne ne se rappelle.

Je ne me suis pas adressé à lui comme s'il vivait, je ne l'ai pas tutoyé au fil du livre comme si c'était un ami. L'exercice aurait été artificiel, l'artifice aurait été indécent.

Le livre est délicat, et faussement décousu : il explore la vie d'André Chaix, retrouve ses proches, des photos, commente son histoire et la compare à l'Histoire.

Si Queneau a raison, et si l'Histoire est la science du malheur des hommes, alors Simone y tient son rang et ce livre pourrait lui être dédié. La guerre, avant d'arracher à cette jeune femme son fiancé, lui a d'abord volé son père.

L'écriture est pudique et documentée. Loin d'une divagation ou d'une vue personnelle, l'auteur rassemble des détails issus des nombreux ouvrages et archives pour devenir une véritable unité historique.

Il s'interroge aussi sur lui-même, mêle son histoire personnelle, et les gens de sa vie, blessés par cette guerre.

Il parle de l’Occupation, de la collaboration et du fascisme, du rejet de l’autre. Ce livre donne la parole aux idéaux pour lesquels ce jeune homme est mort à 20 ans et questionne notre nature profonde, ce désir d’appartenir à plus grand que nous, qui conduit au meilleur et au pire.

Nous sommes des primates conformistes et mimétiques. Notre cerveau sait d'instinct qu'il y a de la puissance dans le nombre, et sous la pression invisible de nos « pairs », qui sont pourtant de parfaits inconnus, nous adoptons leurs pratiques. C'est une source de confort : résister exigerait un effort, un début de rébellion.


⭐⭐⭐⭐ Le Tellier part dans tous les sens, et on reste fasciné. Comme si on écoutait un conteur, ou un vieux monsieur plein de sagesse parler au coin du feu. Un petit livre au pouvoir insoupçonné. Celui de rendre justice à une vie gâchée par le fascisme.