De Jean Michelin, j'avais lu Ceux qui restent. J'avais bien aimé ce roman, où l'auteur parle de l'impact de la guerre sur les militaires, leurs proches et les traumatismes qui peuvent en résulter. J'avais senti le côté authentique du truc et j'avais trouvé cela émouvant, alors que je n'ai pas vraiment d'affinité avec l'armée.
Du coup j'avais mis depuis longtemps dans ma pile de livres à lire son premier roman, Jonquille. IL est tout à fait différent et disons-le tout de suite, utile sans être indispensable.
Michelin y raconte sa propre histoire, celle d'un capitaine de l'armée française en mission de 6 mois en Afghanistan. Il la raconte à travers de ses compagnons d'armes en partant d'un de leurs prénoms pour chaque chapitre.
L'écriture est précise, le ton est sec, presque documentaire. La mission n'est pas toujours passionnante, on s'occupe comme on peut, mais la mort n'est jamais loin, avec ses cérémonies d'hommage et ses rapatriement de soldats traumatisés.
J'ai trouvé que cela manquait un peu de réflexion sur le conflit, ou sur les relations avec la population même si je comprends qu'en tant que militaire il ne peut pas tout dire et qu'en plus c'était la fin de la présence française dans le pays. C'est dommage car quand il s'épanche, il fait mouche.
Chaque jour, d’ailleurs, apportait son comptant d’événements dramatiques dans le pays. Une fillette défigurée à l’acide parce qu’elle allait à l’école. Une attaque de FOB qui avait fait plusieurs morts chez les Britanniques. Une autre gamine, égorgée pour avoir timidement protesté contre son mariage arrangé, à treize ans, avec un puissant chef local qui en avait trente de plus. L’horreur ordinaire ne filtrait pas jusqu’aux plages du Midi, quand celles-ci n’étaient pas les victimes d’une météo capricieuse. Nous avions tous appris à compter avec notre frustration, mais ce n’était pas simple.
Finalement c'est la fin qui est la plus subtile. J'ai aimé la description du mélange de sentiments au moment du retour au bercail: l'absurde nostalgie du pays étranger qu'on quitte, le soulagement de rentrer chez soi en sécurité, la peur du retour à la vie civile et la tristesse de se séparer de ses compagnons.
Quand le tir d’un canon de cent cinquante-cinq millimètres ne te fait plus sursauter, c’est qu’il est temps que ça s’arrête.
C'est étrange aussi de finir ce roman au moment où les talibans, qui ont repris le contrôle en 2021 après le départ des Américains, viennent d'interdire les femmes afghanes de parler entre elles...
Un roman sec, qui m'a fait penser au documentaire danois Armadillo en moins cinglant.